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Texte à méditer :   Le lendemain s'instruit aux leçons de la veille.   Publilius Syrus, Ier av. J.-C.
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Osez le Documentaire

Osez le documentaire

L’amateur a du temps, ce qui manque cruellement au professionnel, et n’a aucune contrainte éditoriale. Des conditions idéales pour réaliser un documentaire original. Voici quelques exemples ainsi que des leçons tirées de films de référence pour vous aider à tirer profit de ce précieux capital.

Par Thierry Philippon
Caméra Vidéo & Multimédia – Avril 2009

Vous froncez les sourcils, estimant que le documentaire, ce n’est pas pour vous ! Détrompez-vous. La situation est en effet beaucoup plus simple en réalité pour l’amateur que pour le professionnel. Il peut trouver des angles originaux sans être tenu à des impératifs de production ou de rentabilité et n’est notamment pas obligé de coller au cahier des charges d’une émission ou au style d’une chaîne. En guise de stimulant, voici un petit cocktail d’idées, mais aussi de conseils inspirés de documentaires célèbres ou moins connus. Les films qui ponctuent l’aventure de ce genre sont une véritable source d’inspiration.

Filmer la métamorphose d’un lieu

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Vue d’un déboisement extraite du film « le bois dans tous ses états » de Marc Weikmans

Un quartier, un village ou un paysage dont le visage se transforme est une mine pour l’objectif. Inutile de chercher loin. Pour le meilleur ou pour le pire, chacun peut voir de telles métamorphoses près de son domicile, de son lieu de travail ou de villégiature… Ici, le temps joue pleinement en faveur de l’amateur, mais aussi la proximité. Non seulement vous êtes bien placé pour saisir les changements visibles subis par votre environnement, mais vous êtes souvent informé par avance de ceux qui vont se produire. Bulletins de mairie, associations de riverains, voire conseils de quartiers, constituent d’excellentes sources. Toutefois, les images chocs et autres oppositions de vues de type « avant-après » qu’offrent les constructions ou démolitions, et qui assurent des séquences spectaculaires, ne suffisent pas à produire un véritable document. L’urbanisme ne restitue pas à lui seul l’âme d’un quartier. En revanche, il ne manque pas d’avoir des incidences sur le facteur humain, bien plus important.

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Vues de travaux d’urbanisme

Interrogez-vous sur les évolutions possibles de la fréquentation des lieux en phase de mutation, l’embourgeoisement ou au contraire la paupérisation de ses résidents, l’afflux de touristes ou de visiteurs. « Dramatisez », autrement dit, mettez l’accent sur les enjeux de ces transformations sur des individus. Un « quartier vert » va être créé. La circulation supprimée sur une artère. Très bien, mais que deviendra le concessionnaire Peugeot situé dans ce secteur ? Et les riverains des sites voisins qui verront se déverser le flux de circulation dans leurs rues jusqu’ici tranquilles ? Qui va déménager ? Qu’en penses les agences immobilières ? Qui gagne ? Qui perd ? Suivant que vous-même êtes ou non concerné et que vous considérez comme gagnant ou perdant, l’angle se dessinera de lui-même. Cette question de l’angle importe au plus haut point. En effet, il ne suffit pas d’effectuer une description, mais de démontrer quelque chose.

Quel est votre parti pris ? Plus intéressant encore : au fil du temps, vos positions peuvent évoluer. Les conséquences peuvent s’avérer moins dramatiques que prévues. Des points positifs inattendus se dégager. Et cette auscultation du réel au jour le jour, au travers de quelques exemples bien ciblés et sur une période suffisamment importante pour être significative, constituera sans doute, l’aspect le plus intéressant de votre document.

Si vous êtes partie prenante, le plus simple est d’intervenir vous-même devant la caméra. Pour le reste, choisissez des témoins dont le cas vous touche (si vous êtes ému, d’autres le seront) ou dont la situation risque d’évoluer. Dans tous les contextes, l’opilion des commerçants est précieuse, ainsi que celle des concierges qui sont parfois sur place depuis longtemps et peuvent vous indiquer des pistes d’enquête originales…

Plus modestement, si vous n’êtes pas prêt à vous lancer dans un travail au long cours, ou si vous disposez d’archives, vous pouvez vous concentrer de juxtaposer deux époques dans un film qui raconte la façon dont un lieu s’est transformé, au moyen de vues « comparatives ». bien sûr, les documents actuels seront les plus nombreux, car plus faciles à réaliser. Côté archives, si vous êtes un cadreur de longue date et possédez des vidéos (ou cinéma) d’ « avant », basez-vous sur vos anciennes images pour filmer les lieux actuels. Si vous ne disposez d’aucune archive d’époque, la Mairie vous fournira peut-être des vues reproductibles à des fins privées. Même de simples photos feront l’affaire, car, au montage, il est facile de placer un commentaire en voix off sur des images fixes. Le parallèle peut s’avérer émouvant. Ici, un terrain vague a laissé la place à un immeuble high-tech. Là, une tour de huit étages se dresse à l’emplacement d’un ancien quincaillier ! Pour accroître l’effet de métamorphose, il est très important de reproduire si possible les mêmes angles de vues pour que la comparaison gagne en intensité. Effet assuré !

Mettre en exergue un dénominateur commun

Quoi de plus banal qu’un homme ou une femme cherchant l’âme sœur dans une grande cité occidentale ? Pour son film Unmade beds, le Britannique Nicholas Baker est pourtant parti de cette idée simple mais a juxtaposé la vie de quatre New-Yorkais célibataires (deux hommes et deux femmes) qu’il a suivi durant un an.

Au fil des saisons qui s’égrènent, chaque protagoniste témoigne de sa quête affective au travers ses doutes et ses désespérances ? C’est bien sûr le dénominateur commun entre les personnages – la solitude et la recherche du grand amour – qui rend le film captivant. Le talent de cadrage du réalisateur fait le reste. Animé par cette même idée de rapprocher « artificiellement » des individus, le reporter Michel Parbot, en 1972, a comparé la vie d’un jeune Français citadin de 10 ans à celle d’un chinois du même âge, les deux enfants s’exprimant tour à tour sur leur environnement quotidien.

Le rapprochement entre des individus que toute semble opposer est fécond et peut naturellement s’appliquer aux activités. Ainsi, le film de l’amateur Louis Pireye a su établir un parallèle malicieux entre la méthode artisanale d’un fabricant de berlingots à Madagascar et l’approche plus technologique d’un confiseur français de Carpentras. Aurait-il enquêté et davantage fouillé son idée que cela eût abouti à un excellent documentaire.

Trouver un angle original

Prenons Montmartre pour un Parisien. Dans le cas d’un reportage classique, le visiteur pressé filme généralement la basilique, le funiculaire, le superbe point de vue du Tertre, et, au mieux, Le Bateau-Lavoir ou Le Moulin de la Galette. Certes, le voici paré d’un film-souvenir sur un des quartiers les plus sympathiques de la Capitale, mais l’angle reste banal. C’est d’ailleurs celui que tout touriste avisé capte, non ?!

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Illustrations de Montmartre

Alors, imaginez un traitement plus documentaire grâce aux nombreux films tournés sur la Butte. Choisissez, par exemple, le plus emblématique d’entre eux – Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulin – et interrogez les responsables des commerces (le Café des 2 Moulins, l’épicerie de M. Collignon) et des attractions (le manège en contrebas du Sacré-Cœur) qui ont servi de décor à Jean-Pierre Jeunet. Tentez de rencontrer des personnes qui ont assisté au tournage de quelques scènes, de savoir si les touristes y font souvent allusion, comment les habitants ont vécu cet hommage à leur quartier, s’ils sont allés au cinéma voir le résultat… Panachez vos vues personnelles avec des scènes du film. Vous obtenez ainsi une belle petite construction…

Pratiquer le documentaire animalier

Le registre animalier est doublement particulier. D’une part, il est intimement lié au genre documentaire et d’autre part, c’est un secteur où amateurs et professionnels font jeu égal, car ils subissent les mêmes contingences : préparation et documentation sur le sujet, repérage approfondi, fabrication de caches pour l’affût, apport d’un téléobjectif puissant, enfin une infinie patience pour tourner des scènes qui se produiront selon le bon vouloir des « acteurs » et non selon le planning prévu ou les conditions météo !

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Photo de biches extraite du film « Le bois dans tous ses états » de Marc Weikmans.

D’où le nombre de documents amateurs « pointus » sur les sujets les plus inattendus. N’hésitez pas à vous lancer dans une approche très personnelle dans le choix de votre sujet. Mais aussi, par exemple, filmer dans un élevage de chèvres ou de moutons ou encore une autrucherie n’est pas dénué de sens s’il est agrémenté de l’interview de l’éleveur ; il peut ainsi se révéler un documentaire fort intéressant.

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Photo extraite du film « Le bonheur est dans le pré » de Martine Decoo

Retranscrire fidèlement l’atmosphère d’un lieu

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Vue d’une plage d’une station balnéaire dans l’Alcantara, Portugal

Qu’il s’agisse d’une station balnéaire en basse saison, un paysage de montagne ou un temple bouddhiste, la façon dont on restitue l’atmosphère d’un lieu différencie souvent l’angle reportage de l’angle documentaire. Schématiquement, pour décrire un lieu, le reportage privilégie l’efficacité au moyen de plans courts et informatifs, alors que le documentaire installe le spectateur. La réussite de l’exercice tiens donc au temps passé sur place. L’amateur qui n’est pas tenu à la dramaturgie journalistique peut ainsi laisser courir le tempo de la séquence, et s’autoriser des plans presque « ennuyeux », par opposition aux plans courts des films professionnels.

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Vue d’un monastère juché sur une colline de l’Alcantara au Portugal.

Prenons l’exemple d’une scène matinale dans un lieu de vacances au bord de la mer. Le jour se lève. Restituer l’atmosphère ambiante peut consister à filmer des scènes en apparence anecdotiques. Celles de l’oiseau qui, d’un matin sur l’autre, revient picorer quelques miettes sur la terrasse d’un bungalow. Celle du serveur encore ensommeillé, qui déplie machinalement ses nappes pour en recouvrir les tables du restaurant. Celle du taxi qui attend devant l’hôtel un énigmatique client en partance pour l’excursion.

Sachez écouter. Retenez que les sons de votre environnement proche apportent autant d’informations que de sensations. Filmez votre chambre pendant qu’on distingue – hors champ – le bruit que produisent les vagues heurtant les récifs. Vous stimulerez ainsi chez le spectateur des sensations liées à votre vécu.

Tenter l’autoscopie

Le voyageur et vidéaste Antoine de Maximy, pour son film J’irai dormir à Hollywood, a conçu un dispositif constitué de deux caméras miniatures harnachées à son corps qui filment la scène et sa réaction. Sans atteindre ce degré de technicité, l’autoscopie permet une approche intéressante. Imaginons l’ascension d’une montagne. L’approche classique du reportage sera constituée de scènes de préparatifs puis de l’ascension en elle-même, ponctuée des différents paysages traversés, de l’ambiance des bivouacs et des difficultés rencontrées jusqu’au moment où l’amateur peut enfin savourer la superbe vue.

L’approche plus documentaire consiste à juxtaposer aux scènes d’ascension classiques (celles du reportage) des images autoscopiques où l’auteur se filme lui-même au fil de l’évolution de sa fatigue et de la progression vers les cimes.

L’autoscopie est cruelle en situation d’efforts physiques intenses, mais procure une touche d’authenticité sans égal. De plus, on peut poursuivre la narration, au petit matin, au moment des pauses, ou le soir venu.

Pratiquer l’autoscopie n’impose pas de réaliser des exploits sportifs ni de vivre des aventures compliquées. L’approche restera tout aussi intéressante si – à la façon d’un carnet de voyage – vous parvenez à rythmer un périple avec des scènes face à la caméra où vous racontez l’étape ou les anecdotes qui l’accompagnent. Attention, même avec un grand talent d’improvisation, un minimum de préparation est requis. Prévoyez la thématique générale de votre propos et ajustez le cadre sans vous centrer, de façon à laisser aussi le reste de l’imager « parler ». Au besoin, réitérez la scène.

Caméra Vidéo & Multimédia – Avril 2009
Images extraites de films de Martine Decoo & Marc Weikmans - 2016


Date de création : 13/07/2019 @ 10:52
Catégorie : Formations - Tournage
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