Valorisez les rues, animez les monuments
La ville, mélange de matière et de vivant, offre des sujets passionnants. Mettez en scène ses édifices les plus caractéristiques.
Par Gérard Galès
Vouloir montrer de manière exhaustive tout ce qui compose une ville ou un monument serait vain et ennuyeux pour le spectateur. Il est préférable de choisir au préalable un « angle », une manière aussi personnelle que possible de présenter le sujet, que l’on traitera ensuite à fond. Tout est imaginable, pourvu qu’au final vous soyez en mesure d’offrir beaucoup plus qu’une simple et banale description du lieu. Vous pouvez par exemple décider d’utiliser les statues de gens célèbres qui émaillent les places et les parcs pour expliquer l’histoire de la cité ou vous concentrer sur la manière dont les oiseaux se sont adaptés à vivre aux sommets des édifices. C’est ce regard subjectif, porté (via l’objectif du caméscope) sur ce qui vous a le plus marqué, touché, ému ou même choqué dans cette ville ou ce monument qui constituera alors la « substantifique moelle » de l’émotion transmise au spectateur.
Tenir compte de la configuration locale.
La ville est une subtile combinaison d’espaces dégagés (places, avenues, parc) et d’endroits très compacts, comme les centres historiques avec leurs ruelles. Au cœur des édifices, l’étroitesse des tours, clochers et cryptes contraste avec des salles parfois gigantesques. On ne filme pas les uns de la même manière que les autres. Les grands et/ou longs espaces facilitent les déplacements. Profitez-en pour user du travelling (marché ou en roulant selon les possibilités locales) afin de décrire amplement le site, qu’il s’agisse de la place Tien an Men à Pékin ou du cloître de la cathédrale de Magdeburg. Ainsi, en vous déplaçant physiquement avec le caméscope, vous permettez au spectateur d’aller à la rencontre du lieu et d’y pénétrer progressivement. À contrario dans un lieu « étriqué », vous ne pouvez guère vous dé placer ni prendre beaucoup de recul. Il faut donc plutôt jouer sur les focales et zoomer souvent (entre les prises de préférence) pour vous rapprocher physiquement.
Privilégiez alors les plans courts et très variés, aussi en terme de sujet, d’angle de point de vue que de cadrage. La sensation de découverte que vous offrez ainsi au spectateur s’effectue par de petites touches, des sortes de « coups de pinceau » sur ses divers éléments caractéristiques.
Varier le plaisir des yeux.
Rien de plus immobile que des murs ou des statues. Il faut donc les « réanimer » pour leur donner plus de pep’s. Pour réussir cela, le secret, c’est la variété. Vous allez construire la séquence par un jeu subtil de mouvements de caméra, un usage raisonné du zoom et une diversité de cadrages capables de constamment réactiver l’intérêt du spectateur. Profitez par exemple de la visite d’un monument élevé, voire de la terrasse du toit d’un immeuble, pour réaliser des vues subjectives plongeantes. Elles apportent un bel aperçu de la structure générale de la cité avec son réseau de rues et d’avenues, ses cours d’eau etc.
N’hésitez pas par inclure du « vivant » dans vos séquences architecturales. Par exemple, la foule des visiteurs avec des gros plans de leurs visages le nez en l’air, les bateaux-promenades ou les véhicules typiques locaux avec des panoramiques suivant leurs allées et venues, etc.
Attention aux passages intempestifs devant l’objectif de personnes distraites ou de véhicules, notamment si vous êtes en longue focale, c’est-à-dire zoom à fond. Outre que la vue est alors subitement bouchée, l’autofocus risque fort d’être perturbé et de produire un flou durant quelques secondes. Revenez alors à une focale plus courte (grand angle).
Tourner autour
Face à un monument à l’architecture complexe, commencez par un plan d’ensemble qui montre bien sa forme générale. Puis, faites-en le tour afin de saisir ses plus beaux détails. Lorsque ses abords sont dégagés, la meilleure solution s’avère le travelling continu, combiné avec de petits panoramiques, à partir d’un véhicule, ou depuis un bateau-mouche qui le longe. Le spectateur découvre ainsi le monument de manière progressive en « promenant » son regard sur lui. Autre solution possible : tronçonnez la description en plusieurs plans séparés, dont la forte contre-plongée valorisera chacune des faces (facettes) du bâtiment.
Penser grand angle
Le monument est monumental par nature et vous ne disposez pas assez de recul ? Dans ce cas, il est utile de visser un complément visuel devant l’objectif afin de compenser la faiblesse native en la matière de la majorité des caméscopes actuels. Attention cependant au vignettage (bords noirs) et aux déformations (courbure des verticales sur les bords) que produisent des compléments grand angles mal adaptés ou trop puissants. En l’absence de cet accessoire, optimisez votre cadrage en choisissant soigneusement votre point de vue. Pour que le monument rentre plus « naturellement » dans votre cadre, placez-vous de biais plutôt qu’en face de lui et optez pour une bonne contre-plongée. L’objectif pointé vers le ciel « accrochera » ainsi plus facilement les parties les plus élevées du bâtiment.
Créer des perspectives
La sensation de relief et de profondeur est accentuée lorsque l’effet de perspective est amplifié. Comme un peintre, composez votre image en « dessinant » un cône invisible grand ouvert sur un bord et fermé sur l’autre. Pour cela, jouez avec les lignes de fuite naturelles produites par l’architecture du monument. Si vous placez ces lignes en diagonale dans le cadre, grâce à une contre-plongée par exemple, le sujet n’en sera que plus valorisé.
Extrait de Caméra Vidéo & Multimédia mai 2006
Les photos sont de Marc Weikmans - Lisbonne, juillet 2006
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